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Décès du Maître Jean-Pierre Mazzella

La Fédération Française d’Escrime a la tristesse de vous faire part du décès du Maître Jean-Pierre Mazzella, survenu beaucoup trop tôt.

Le 15 octobre 2021 nous quittait un collègue Maître d’Armes à l’âge bien trop jeune de 65 ans : Jean-Pierre MAZZELLA.

Discret, il n’en fut pas moins connu par ses pairs et ses élèves pour sa passion de l’escrime, à laquelle il consacra sa vie.

Elève du Maître Jacky COURTILLAT, il a créé le club de Suffren à Paris en 1982. Club qu’il ne quittera plus. Laborieux, entre autres qualités, il a vécu de l’escrime en explorant les pans du métier de Maître d’Armes, en se donnant les moyens de vivre de l’escrime, du fleuret plus particulièrement. Et cela dans un contexte où il était d’usage d’être issu de la filière militaire ou de l’éducation nationale.

Jean-Pierre, véritable pionnier, a défié les codes, a cru en un projet qu’il a porté en responsabilité, jusqu’au bout et sans faillir, en formant Pauline RANVIER, médaillée au plus haut niveau ; mais aussi sa fille Louise, enseignante d’escrime qui reprend aujourd’hui le flambeau.

Maître MAZZELLA ne s’éloignait jamais vraiment trop des pistes et du plastron tant aimés : il vivait avec Françoise VILLETELLE, Maître d’Armes elle aussi… En bref, le Maître Jean– Pierre MAZZELLA aura donné une belle partie de sa vie à l’escrime, qu’il a tant aimé, passionnément.

Mais qui de mieux pour parler de lui que ceux qui l’ont vraiment profondément connu : le Maître Jacky COURTILLAT nous donne son palmarès, lui qui a mis en garde et formé Maître MAZZELLA. Son ami d’enfance et équipier de toujours, le Maître Michel MARPEAUX, et enfin son élève la plus talentueuse : Pauline RANVIER, qui lui ont fait l’honneur d’un vibrant hommage emprunt de sincérité.

L’hommage de Pauline RANVIER :

Jean-Pierre,

Je ne sais pas trop par où commencer quand je dois écrire quelque chose à ton sujet. C’est le comble, toi qui aimais tant parler. On est souvent pudique de dire les choses de notre vivant et on regrette toujours de le dire quand il est trop tard. Alors, même si je n’ai pas eu l’occasion, ou plutôt le courage de te le dire avant, je veux le faire aujourd’hui en espérant que tu écoutes mes paroles de là où tu es.

Je n’accepte toujours pas que tu sois parti, la vie est si injuste. Tu m’aurais pourtant répondu, à juste titre, qu’elle est si belle et qu’elle mérite d’être vécue pleinement. C’est ce que tu as fait, c’est ce que tu as toujours transmis, toi que je n’ai jamais vu de mauvaise humeur, toi qui as toujours vu le bon dans chacun de nous. Je ne parle même pas d’escrime, car tu étais avant tout une belle personne, un homme droit, honnête, le plus gentil que j’ai jamais rencontré, accompagné de ta naïveté légendaire mais surtout, tu étais un homme passionné. Cette passion, c’est toi qui me l’as transmise : tu m’as fait tomber amoureuse de ce sport il y a 15 ans et je lui resterai fidèle tout comme toi, éternellement. Être à Melun aujourd’hui signifie encore plus, toi qui m’as envoyée vers ce club comme une passation : c’est là où tu as grandi et je suis si fière d’en faire partie, la boucle est bouclée.

Une de mes plus grandes fiertés a été lorsque tu as touché ma médaille olympique. Moi qui suis pudique sur mes sentiments, tu n’imagines pas ce que j’ai ressenti, revoyant ces années auparavant la petite fille qui passait des heures à la salle à réclamer des leçons et de participer à 3 cours à la fois. Cette médaille et les autres (et les prochaines j’espère !) possèdent ton âme et le savoir-faire que tu m’as transmis, mais aussi le goût du combat, de la victoire.

Le monde de l’escrime peut être fier d’avoir eu quelqu’un comme toi qui a tant donné et s’est tant investi pour ce sport. Tu resteras à jamais gravé dans ma mémoire et je continuerai à me souvenir des mots si justes que tu avais à mon égard.
Aussi, sache que mes premières poignées que tu avais façonnées sont toujours intactes, elles, et à travers elles, tu

continueras de m’accompagner dans mes prochains combats et mes objectifs comme tu l’as toujours fait.

Alors merci pour avoir fait de moi la femme et l’athlète que je suis devenue et pour finir comme tu le disais si bien, je te dis « Au revoir ».

Pauline RANVIER

Maître Michel MARPEAUX à son tour nous livre avec émotion sur le parcours de son ami d’enfance, et équipier sur les pistes :

Nos routes se sont rencontrées à quelques pas de cette collégiale. Nous étions à La Courtille en CM1 dans la classe de Mme RISPAL. Son beau-frère, un certain Jacky COURTILLAT, auréolé d’une médaille de bronze au fleuret lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 1964, est venu dans la classe pour nous informer de l’ouverture prochaine d’une salle d’escrime à Dammarie- les-Lys.

Début janvier 1966, sans s’être concertés, nous nous sommes retrouvés à la salle François de TESSAN, le jour de l’ouverture du nouveau club.

De ce jour-là et jusqu’à notre départ dans la vie active, nous ne nous sommes pas quittés et avons partagé de très nombreux et excellents moments.

Au club d’escrime bien sûr où nous ne manquions pas un entrainement avec des retours mémorables les premières années, entassés à 3 ou 4 avec les housses, dans la SUNBEAM décapotable de Maître COURTILLAT qui nous raccompagnait jusqu’à chez nous.

C’était au club mais c’était aussi en compétitions où nous nous déplacions ensemble. Nous étions bien sûr amenés à nous rencontrer mais quel que soit le résultat, notre amitié n’a jamais failli. Nous étions ensemble sur la plupart des compétitions mais aussi à tous les stages pour lesquels nous avons pu être sélectionnés.

Les compétitions, c’était aussi celles par équipes. La cohésion et l’esprit qu’il y avait entre toi, Éric BENARD, Thierry MARDARGENT et moi-même, nous a permis d’obtenir des victoires face à des équipes dont le niveau individuel de chacun des tireurs était certainement supérieur au nôtre. Ta présence était essentielle pour l’équipe. Pas seulement pour tes qualités de tireur mais aussi pour ton esprit et ta manière de toujours voir les choses de façon positive.

Parmi les compétitions par équipes, comment ne pas évoquer les rencontres, toujours mémorables, que nous avons faites avec le club de Lausanne. Des échanges emprunts de convivialité mais aussi avec un véritable enjeu sportif.

L’escrime a été le fil conducteur de ta vie : Arrivé à l’âge du service militaire, tu as naturellement été intégré en 1977 au Bataillon de Joinville à Fontainebleau, grâce à tes résultats. A la sortie du BJ, tu t’es présenté à l’examen pour entrer à l’école de Maître d’armes à l’INS (l’actuel INSEP) et tu y as été reçu.

En 1980, tu en es sorti avec le diplôme de Maître d’armes BE2.

En 1981, lors d’un voyage aux Etats-Unis, tu nous avais demandé de te rapporter des informations et de la documentation car tu avais l’intention d’aller t’y installer, au moins pour quelque temps, pour notamment y apprendre l’anglais.

A notre retour, tu avais décidé de ne plus partir. Tu avais rencontré Claudine, la maman de Louise et d’Estelle. L’année suivante tu créais le cercle d’Escrime de Suffren qui représente près de 40 ans de ta vie. Ce club, ton club t’apportera d’énormes satisfactions : En 1982, le club recevait le prix CAMPBELL pour le meilleur jeune club de France. Durant toutes ces années, tu as initié des centaines de gamins dans les écoles de l’ouest parisien et tu as transmis l’amour de l’escrime à de très nombreux jeunes et moins jeunes escrimeurs du club. Parmi ceux-là, il y a d’abord Louise et Estelle, tes filles. Louise est elle-même devenue enseignante d’escrime et a repris ton flambeau au sein du club.

Ton nom est à jamais associée à l’une des plus douées et talentueuses fleurettistes françaises. Je parle bien sûr de Pauline, Pauline RANVIER. Tu auras eu la joie de la voir accéder au plus haut niveau avec ses médailles d’argent en individuel au championnat du monde en 2019 et par équipes lors des derniers Jeux Olympiques à Tokyo.

Durant tout le temps de notre vie professionnelle, nous nous sommes vus régulièrement mais bien sûr moins souvent qu’auparavant. Nous allions arriver dans une période de notre vie durant laquelle nous allions avoir un peu plus de temps pour nous retrouver et nous faire de nouveaux souvenirs. Si l’escrime a été le point central de ta vie, elle n’était pas ton seul point d’intérêt tant sur le plan sportif que dans d’autres domaines très variés. Le roller, le badminton, le tir à l’arc n’avaient pas de secret pour toi. Plus récemment, toi le méditerranéen, tu as adopté la Bretagne, grâce à Françoise et avec elle, tu es devenu un marin en pratiquant régulièrement la voile. Tu avais un esprit très ouvert et très curieux. En dehors des activités sportives, tu avais beaucoup d’autres pôles d’intérêt. Je citerai, l’astronomie, la philatélie, le bricolage, le jardinage, la reliure d’anciens livres ou encore la science-fiction. Il y a peu de temps, j’ai appris que tu étais un passionné de poésie et notamment de Baudelaire.

Quand j’ai annoncé à Maître COURTILLAT que tu nous avais quittés, il m’a dit : « on a perdu notre poète ». Pourtant, il ne te savait pas amateur de poésie. C’était simplement ta façon de tirer et ta façon d’être quand tu étais plus jeune qui lui a fait dire cela.

Tu aimais la vie, tu l’embrassais à bras ouverts. Nous n’oublierons jamais ta gentillesse, ton sourire, ta bonne humeur, ta culture, ta philosophie de la vie.

Effectivement « on a perdu notre poète » et moi j’ai perdu mon copain, mon ami, un frère…

Maitre Michel MARPEAUX

Et pour terminer cet hommage, le palmarès sportif par maître Jacky COURTILLAT, qui a mis en garde le jeune Jean-Pierre en 1966 :

  • Catégorie MINIME (scolaires moins de 15 ans) :
  • 1970 : 1er aux Championnats d’lle-de-France sur 300 engagés.
  • Catégorie CADETS (moins de 17 ans) :
  • 1973 : Champion d’lle-de-France (sur 170 engagés).
  • 1973 : 4ème aux Championnat de France.
  • Le 26/11/1973 : Sélectionné par la Fédération Française d’Escrime, pour effectuer un stage à l’l.N.S. parmi les meilleurs espoirs nationaux de la catégorie « Cadets » avec son camarade de salle Michel Marpeaux.
  • Le 02/03/1975 : 8e du Championnat de France « JUNIORS ».
  • Le 09/0211976 :12ème de l’épreuve internationale « JUNIORS » de Bâle » (Suisse), sur 116 engagés venus de 5 pays limitrophes.
  • 1979 : 3ème du Championnat de Paris, toutes catégories, il se qualifie pour son premier Championnat de France, la plus prestigieuse des compétitions françaises.
  • 1979 : il effectue sa première année du diplôme de Maîtrise d’armes à l’l.N.S.E.P. 1980 : II réussit son diplôme de Brevet d’Etat du 2nd degré.
  • 1981 : ll devient mon adjoint durant plusieurs années dans les salles de Dammarie et de Montereau, avant de s’installer au club de Suffren à Paris et d’entraîner les jeunes dans lesquels il trouvera une jeune fille très talentueuse, qui deviendra la meilleure française, aujourd’hui médaillée Olympique : Pauline RANVIER

Me Jacky COURTILLAT

Ce sont sur ces mots choisis que nous livrons à notre tour, au nom de l’Académie d’Armes de France, la corporation des enseignants d’escrime, et de la Fédération Française d’Escrime pour laquelle le Maître Jean-Pierre MAZZELLA a tant donné au travers de son engagement, avec une humilité exemplaire, qui fait honneur à la Maîtrise d’Armes, et à l’escrime en général, et qui à jamais nous servira d’exemple.

Merci Jean-Pierre, merci cher collègue, de notre part à tous.

Et toutes nos condoléances et nos pensées vont vers les tiens : famille et amis, et particulièrement Louise, Estelle et Françoise.

Jean-Noël Hautefaye.